Blog prof. René Prêtre
Mission Mozambique 2024
Post by René Prêtre
Maputo, mardi 28 mai 2024
8h00
La nuit a été bonne et reposante à la suite de la fête organisée pour célébrer l’anniversaire de Sozinho. Après la réception organisée à l’hôpital en son honneur, nous sommes allés manger dans un restaurant en bord de mer avec Beatriz et l’épouse de Sozinho. Nous avons passé une soirée très agréable, touchante même. Nous avons beaucoup ri d’anecdotes relatives à des expériences passées. Pour accompagner notre repas, Beatriz avait commandé une bouteille d’un excellent vin d’Afrique du Sud que nous avons dégustée tous les quatre. Nous sommes rentrés relativement tôt (avant 22h00).
On me fait signe à travers la vitre que tout est prêt. L’enfant est désinfecté et champté. Je fais signe à Sozinho qu’il peut démarrer sans autre. Le temps de terminer mon café, enfiler mon attirail de chirurgien et passer au rituel du lavage des mains, je rejoins l’équipe au bloc.
12h00
Notre opération du matin s’est déroulée sans problème. C’était attendu. En effet, afin de donner un peu de répit aux équipes des soins intensifs qui ont reçu 4 cas très lourds sur les 6 premiers patients opérés, nous avons choisi un programme un peu plus léger. Les deux cas du jour sont relativement faciles. Le premier est fini, stable et devrait être réveillé dans quelques heures.
Le deuxième est une tétralogie de Fallot, la maladie communément appelée dans le passé « maladie bleue » – appelée parfois maladie des Schtroumph pour la génération suivante. Au début de notre expérience mozambicaine, les téguments,la peau, les muqueuses de ces patients étaient vraiment profondément bleue ; nous opérions des enfants qui étaient litéralement asphyxiés, presque à l’article de la mort. Maintenant que ces opérations sont faites sans nous (pas de manière routinière cependant), nous ne sommes plus confrontés à ces cas extrêmes, les enfants sont opérés avant. Les enfants qui nous arrivent aujourd’hui présentent un état intermédiaire entre ces premières expériences et ce que nous vivons sous nos latitudes. En Suisse, les tétralogies de Fallot sont généralement opérées dans la première année de vie. Ici, c’est vers l’âge de 3-4 ans que les enfants atteints de la maladie bleue sont envoyés au bloc opératoire. La cyanose est alors plus prononcée que chez nous, mais moins qu’à nos débuts en Afrique.
Ainsi donc, cet après-midi, nous allons donner ce coup de baguette magique qui va transformer une peau bleu foncé en une belle peau rose.
17h00
Très belle correction de cette tétralogie de Fallot, notamment parce que je suis parvenu à maintenir une excellente fonction de la valve pulmonaire. Dans cette pathologie, la valve pulmonaire est souvent très peu développée. L’élargissement de son diamètre pendant l’intervention écarte ses feuillets ce qui provoque une fuite de sang rétrograde d’autant plus importante que l’élargissement est conséquent. Dans ce cas du jour, j’ai réussi à élargir l’anneau sans créer de véritable insuffisance (c’est-à-dire de fuites) par des manœuvres que l’on appelle des commissorotomies. Ceci est confirmé par l’échographie réalisée pendant l’opération, qui a montré une valve qui s’ouvrait et se fermait parfaitement bien. C’est évidemment réjouissant, car cela devrait donner à cet enfant une espérance de vie quasi normale.
Juste après la canulation, avant de dévier le sang dans la machine cœur-poumons, j’ai eu un flash, en voyant ce sang si foncé dans la cannule veineuse, anticipant dans ma tête le changement de couleur de ce cœur si foncé. J’ai alors demandé à un aide de salle de prendre une photo avant ce départ et me suis dit que je ferais la même photo après la correction, à l’aterrissage de l’opération, lrosque le coeur travaille à nouveau seul. Ces deux images devraient montrer à merveille ce changement de couleur .
Ce phénomène m’a souvent fait penser à ces publicités mensongères (mais toujours très drôles) où l’on voit un homme chauve au crâne luisant comme une patinoire essayer un shampooing miracle. Quelques semaines plus tard, le même est montré arborant une tignasse de lévrier afghan… Je pense que le garçon de salle me fera parvenir les photos demain. Je les mettrai en ligne en pensant à cette histoire de lévrier… Mais cette fois, point de mensonge.
Comme prévu, les soins intensifs sont beaucoup plus calmes, ce qui s’annonce de bon augure pour demain, dernière journée au programme très chargé. Les opérations programmées seront à nouveau longues et compliquées. Le premier cas pourra prendre 4-5 heures et nécessitera peut-être des ajustements au bloc opératoire, ce qui est toujours assez épuisant.
Les opérations prévues pour les jours suivants, en fin de mission, seront plus standards, ce qui devrait nous permettre de terminer ce séjour sereinement.