Blog prof. René Prêtre
Jeudi 7 décembre 2023
Post by René Prêtre
Jeudi 7 décembre 2023
08h30
L’enfant d’hier va bien. Il n’est pas encore réveillé, mais nous pourrons arrêter la sédation ce matin. Il devrait alors émerger de son sommeil. Nous allons opérer la petite qui avait été opérée en Thaïlande. Oliver a posé avant-hier un stent dans sa coarctation récidivante, ce qui a redonné un bon calibre à l’aorte. Nous allons ajuster la communication entre les deux oreillettes pour permettre le développement du ventricule gauche, actuellement trop peu « alimenté » (c’est la quantité de sang qui le traverse qui stimule sa croissance). Ce sera un ajustement délicat à obtenir, mais sans cette manœuvre, l’enfant entrera progressivement dans une insuffisance cardiaque progressive et irréversible (il a déjà amorcé ce chemin, mais le point de non-retour n’a pas encore été atteint).
12h00
Je suis presque un peu étonné de la facilité avec laquelle le cœur a répondu à cette nouvelle circulation. C’est une bonne nouvelle à prendre. Nous avons inspecté la valve mitrale à travers la communication des oreillettes. Son diamètre est certes réduit, mais les feuillets sont fins et très mobiles. Du coup, j’ai décidé de faire une fenestration de notre patch de fermeture plus petite que prévu (en fait c’est Ladin qui a réalisé l’opération, sous ma conduite). À la reprise de l’activité cardiaque, nous pouvions voir – grâce à l’échocardiographie – que cette valve pouvait accepter quasiment tout le débit cardiaque. Nous nous trouvons dans une situation idéale, car le cœur gauche (le ventricule gauche) va pouvoir se développer, et avec la croissance de l’enfant (enfin possible), la fenestration deviendra proportionnellement plus petite et peut-être même se fermera.
Je vais me rendre à l’hôtel voisin pour manger quelque chose (nous sommes trop souvent à jeun ici, à midi) avant d’attaquer notre deuxième cas qui sera difficile. Il s’agit d’une atrésie pulmonaire dans laquelle un stent a été implanté dans l’infundibulum du ventricule droit pour établir une connexion directe du cœur avec les poumons (puisque celle-ci ne s’était pas développée). L’enfant est « très bleu », ses artères pulmonaires sont petites (avec si peu de flux, leur développement est resté
rudimentaire). Nous allons élargir cette connexion et la grande question sera de savoir si nous pouvons fermer maintenant la communication entre les ventricules (est-ce que les artères pulmonaires sont suffisamment développées pour accepter l’ensemble du débit cardiaque ?). Si notre impression est que ces artères sont trop fluettes, nous laisserons la communication ouverte et la fermerons dans un deuxième temps (dans six mois, une année) lorsque ces artères, maintenant bien irriguées auront atteint un calibre normal.