Blog prof. René Prêtre
Maputo, 30 mai 2024
Post by René Prêtre
Début de matinée
Tôt ce matin, avant notre journée opératoire – qui sera pourtant très longue – nous avons organisé un colloque de formation pour tout le personnel médical et infirmier. Cela ne m’occasionne pas une énorme surcharge de travail. J’ai tenu un tel nombre de ces conférences qu’en 5 – 10 minutes j’en adapte aisément une ancienne au goût du jour. Je sais que mes présentations Powerpoint sont conservées dans une librairie et que les médecins, infirmières et infirmiers y reviennent de temps en temps pour rafraîchir leur
s connaissances. Aujourd’hui, j’ai exposé les principes des corrections des cœurs uni-ventriculaires, bien que ce soit une opération que l’on pratique plutôt rarement à Maputo, étant donné que l’on opère en priorité des enfants dont le cœur est rendu le plus normal posssible après notre passage.
La visite aux soins intensifs n’a rien montré de particulier. L’adolescent en détresse extrême est resté stable durant la nuit. Il est encore en narcose, ce qui ne nous permet pas encore d’évaluer son état neurologique (dans les endocardites avec embolisation de matériel de végétation, le cerveau est souvent atteint). Point positif : la fièvre est tombée, ce qui me conforte dans l’idée que nous avons complètement éradiqué le foyer infectieux. Point critique : les reins ne fonctionnent toujours pas. On sait cependant qu’il faut parfois plusieurs jours avant de voir la reprise d’une diurèse. L’acidose qui s’était aussi accumulée dans son organisme, en raison du débit cardiaque insuffisant par rapport à la demande augmentée par sa septicémie, est aussi en train de se corriger, grâce à notre opération. Maintenant, l’ensemble du sang éjecté par le ventricule gauche va dans l’aorte et donc dans l’organisme. Le reflux de la moitié de ce sang (éjecté en arrière dans le ventricule, dans l’oreillette et dans les poumons) n’existe plus. Globalement, les nouvelles sont plutôt rassurantes, même s’il est encore trop tôt pour donner un pronostic définitif.Je me rends au bloc relativement tard pour le premier cas, une toute petite fille avec une énorme communication entre les oreillettes et une fuite d’une valve. Beatriz pensait qu’il faudrait attendre qu’elle grandisse encore un peu avant de l’opérer. Je l’ai convaincue de la mettre sur notre programme : ces enfants avec un gros problème cardiaque ne prennent pas de poids et l’intervention nécessaire n’est pas plus facile à réaliser 3 ou 4 mois plus tard, avec seulement 100 grammes de plus sur la balance.
18h30
Notre deuxième opération s’est terminée plus tard que prévu. C’était certes un Fallot (une tétralogie de Fallot) un peu compliquée, avec un tronc pulmonaire distordu, mais voilà, j’ai voulu faire mon malin, j’ai voulu trop en faire, et cela ne m’a pas réussi. Dans le cours de l’intervention, j’ai pensé et expliqué à Sozinho que la correction de cette distorsion serait plus harmonieuse avec deux patches plutôt qu’en appliquant la méthode habituelle, beaucoup plus simple, de n’en poser qu’un seul. Il m’a fallu une bonne demi-heure pour insérer le patch supplémentaire. Au moment de la mise en charge et du déploiement des structures cardiaques, nous avons constaté que ce deuxième patch créait un pli à l’intérieur du vaisseau, plutôt qu’un élargissement. Mon idée, défendue avec tant de conviction, s’est avérée totalement contre-productive et ma belle théorie pour le moins stupide. Nous sommes repartis en circulation extra-corporelle (sans arrêter le cœur cette fois-ci, pour ne pas lui infliger un stress supplémentaire) et j’ai repositionné les patches pour qu’enfin une bonne configuration soit obtenue. Nous avons perdu une bonne heure dans ce réajustement. En y ajoutant la demi-heure de travail initial, on comprend que notre opération se termine si tard. On peut toutefois se réjouir que la correction de ce petit cœur soit finalement très bonne et que cette enfant en profitera pleinement. Ce qui est plus embêtant, c’est que nous terminons tard, bien fatigués et qu’il ne serait pas raisonnable de démarrer une troisième opération à 19h30, notamment sachant que la journée de demain sera elle-aussi bien remplie.
D’autre part, lors de chacune de nos missions, Beatriz nous fait l’honneur de nous recevoir un soir chez elle. Cette visite est prévue justement ce soir. Nous allons donc faire encore un tour aux soins intensifs, régler les derniers problèmes avant la nuit et nous rendre en petit comité chez elle.
On verra s’il sera possible de caser de fameux troisième enfant dans notre programme de demain.