Blog prof. René Prêtre
Dimanche 13 octobre
Post by René Prêtre
Dimanche 13 octobre
12h00
Notre première opération, un enfant souffrant d’un canal atrio-ventriculaire, prend fin. En plus de fermer les communications entre les oreillettes et les ventricules, nous avons réparé la valve d’admission à gauche, qui présentait une fuite assez importante. Après divers petits ajustements, nous avons obtenu une valve entièrement étanche, confirmé par l’échocardiographie faite une fois l’enfant aux soins intensifs. Ce résultat a généré un sentiment de fierté dans l’équipe, tant il est difficile de corriger ces valves avec des tissus aussi fins.
Etant donné la longue liste de patients évalués hier, nous avons décidé de mettre le turbo dès aujourd’hui en tentant d’effectuer trois opérations à cœur ouvert aujourd’hui même.
En deuxième position arrive un Fallot, qui devrait être relativement favorable, étant donné le bon diamètre de l’artère pulmonaire du patient. Je l’ai choisi ce cas en deuxième position en fait parce que justement sa correction devrait être assez rapide et nous permettre une troisième intervention. Nous déciderons alors entre la ligature d’un canal artériel chez un tout petit (3.5 kg) et la prise en charge d’une patiente de 8 ans admise récemment pour une endocardite valvulaire. Je penche pour la prise en charge de l’endocardite, car, bien que la fièvre soit sous contrôle avec des antibiotiques, l’échographie montre de grosses végétations flottantes, lesquelles risquent toujours d’emboliser.
Le repas vient d’arriver. Ce sont des « Mozambique tiger giant prawns » avec des légumes et des pommes de terre grillées. C’est une spécialité locale (d’où leur nom), un délice ! : j’en salive déjà.
16h30
Nous avons pris du retard dans notre programme. Je pensais pouvoir terminer le Fallot vers 15h30, mais il présentait une anomalie d’une artère coronaire, qui a passablement compliqué la correction. En effet, cette artère, que nous appelons l’IVA (inter-ventriculaire-antérieure), passe normalement derrière l’artère pulmonaire et se trouve donc loin de notre champ opératoire. Chez une petite proportion de patients avec une tétralogie de Fallot, cette artère part de l’artère coronaire droite et passe devant l’artère pulmonaire pour rejoindre le septum interventriculaire, exactement à l’endroit où nous faisons normalement une incision pour élargir cette partie du cœur qui est trop étroite. Cette anomalie ne peut pas se voir sur une échocardiographie et il faut toujours être prêt à la détecter d’une part et à user de stratagèmes pour procéder à une correction de qualité. Dans ce contexte, une incision sur la partie mal développée du cœur n’est pas possible, car elle sectionnerait cette artère (et provoquerait un infarctus majeur, probablement mortel. Nous avons alors dû travailler par deux petites incisions, devant et derrière ce trajet coronarien. L’exposition est alors difficile. Il faut vraiment s’imaginer comment les tissus vont se déployer quand le cœur sera mis en charge, car une vision directe n’existe pas dans cette situation. Au premier sevrage de la machine cœur-poumons, il existait toujours une perte de pression, certes acceptable, mais que je trouvais tout de même excessive. Nous sommes repartis en circulation extra-corporelle complète, j’ai repris une des incisions pour élargir encore un peu la voie de chasse du ventricule droit. Le deuxième sevrage était bon, la perte de pression résiduelle était minime. Le résultat est bon, mais nous avons perdu pas mal de temps.
Comme la jeune patiente avec son endocardite a été mise à jeûn à midi et que ses parents s’attendent vraiment à ce qu’elle soit opérée aujourd’hui, nous la prendrons encore ce soir, quitte à finir bien tard.